Paris : ils veulent chasser les bouquinistes !
Sous prétexte de la tenue des Jeux Olympiques à Paris l’année prochaine, la mairie veut déplacer les étals des bouquinistes. Dans une tribune publiée dans les colonnes du Figaro, l’écrivain Benoît Duteurtre (auteur du Dictionnaire amoureux de la Belle Époque et des Années folles) se désole d’une telle décision et fustige l’équipe d’Anne Hidalgo qui compte bien faire tabula rasa de tout ce qui est traditionnel.
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« Ces boîtes vertes alignées sur les quais de la Seine sont l’image de la poésie parisienne, rappelle l’écrivain. Plus encore que les entrées de métro, les bancs publics ou les escaliers de la Butte, elles incarnent le style de cette ville où les livres ont toujours beaucoup compté, jusque dans les promenades du Piéton de Paris. »
« Les étals des bouquinistes nous invitent à découvrir des auteurs oubliés, des magazines d’autrefois, de jolis volumes à bon marché. Quant aux bouquinistes eux-mêmes, ils forment un singulier peuple des berges, constitué de passionnés et d’experts qui vous renvoient l’un à l’autre, au gré de leurs spécialités », ajoute-t-il.
« On pouvait donc supposer qu’un événement mondial ayant pour décor Paris, et plus spécialement le fil de la Seine, s’attacherait à mettre en valeur ce bijou patrimonial (...). Cette idée ne semble pas avoir effleuré les organisateurs de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, à commencer par la ville de Paris, qui s’est fendue d’un courrier pour annoncer aux bouquinistes que leurs coffres en bois, si bien conçus pour protéger les livres des intempéries, devront être déplacés », dénonce M. Duteurtre.
Sous quels prétextes ? La présence des étals compliquerait « les mesures de sécurité dans le périmètre protégé » ; mais aussi pourrait « entraver la vue des spectateurs lors de la gigantesque parade fluviale qui doit marquer le triomphe du sport-spectacle (...) ».
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Ainsi, développe l’auteur de la tribune, « (...) ce déménagement qu’on veut leur imposer pour toute la durée des Jeux olympiques (à quoi s’ajoute le temps de démontage et de remontage) illustre une conception nouvelle de la vie urbaine. Loin de se contenter d’entretenir la capitale et d’y faciliter la vie quotidienne, la mairie se voit volontiers (...) comme une organisatrice d’événements, fêtes et rassemblements censés donner à la ville une animation permanente. »
« Face à cette ambition d’animation urbaine, le charme désuet des bouquinistes a de moins en moins sa place et peut même, en l’occurrence, apparaître comme gênant (...) », note-t-il.
L’actuelle « polémique invite aussi à s’interroger sur le bien-fondé d’un projet grandiloquent, abandonnant la traditionnelle cérémonie d’ouverture dans un stade, pour céder au gigantisme cinématographique. (...) »
Or, « Priés de répondre à ces défis imprévus, les organisateurs en sont venus à la conclusion que les Jeux olympiques n’avaient pas à s’adapter à Paris, mais qu’il revenait à Paris de s’adapter à la cérémonie olympique - un peu comme ces régimes qui voudraient changer de peuple quand le peuple ne répond pas à leurs attentes. »
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« À un an de la cérémonie d’ouverture, priorité nationale dont les infos et la publicité nous rebattent déjà les oreilles, voici donc Paris priée de modifier sa physionomie dans ce qu’elle a de plus emblématique », déplore l’écrivain.
« Quand bien même il existe des kilomètres de quais sans bouquinistes, ceux qui donnent un charme unique au centre de la capitale sont priés pour la première fois de déménager, au risque d’amorcer un démantèlement plus durable. Tous ne reviendront pas, ce qui désolera les amoureux de Paris mais ne préoccupera guère une administration qui, de plus en plus, voit les quartiers historiques comme un décor disponible pour l’accueil des touristes, la pratique du sport et l’organisation d’événements », conclut-il amèrement.
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