Un nouveau danger menace la reine des cathédrales

Le diocèse de Paris s’apprête à « moderniser » Notre-Dame. Photo© Didgeman de Flickr

Un nouveau danger menace la reine des cathédrales

Lettre ouverte au diocèse de Paris

À l’attention de Mgr Georges Pontier, administrateur apostolique du diocèse de Paris

Paris, le 3 janvier 2022

Monseigneur,

Le 9 décembre 2021, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture a rendu un avis globalement favorable au projet d’aménagement intérieur de Notre-Dame de Paris qui lui a été soumis par le diocèse. Si ce projet était finalement mis en œuvre, la cathédrale qui a résisté à la Réforme, à la Fronde, à la Révolution, aux Cosaques, à la Commune, aux deux Guerres mondiales et au terrible incendie du 15 avril 2019, serait irrémédiablement abîmée par ceux qui ont reçu pour mission de veiller sur elle et d’y célébrer le culte divin, auquel elle est consacrée.

SIGNEZ LA LETTRE !

M. Macron a reculé devant l’outrage, le diocèse s’y précipite

Immédiatement après l’incendie, Avenir de la Culture et des associations-sœurs poursuivant les mêmes buts en Europe et en Amérique, sont parvenues à recueillir plus de 150 000 signatures afin d’exiger du président de la République et du ministre de la Culture la reconstruction à l’identique de Notre-Dame de Paris. Face à la pression de l'opinion, comme du monde de l’art et du patrimoine, M. Macron a reculé en renonçant, pour l’extérieur de la cathédrale, à l’outrage d’un « geste architectural contemporain ». Et voilà qu’aujourd'hui le diocèse s’y précipite.

L’avertissement publié par plus de cent personnalités le 8 décembre 2021 dans les colonnes du Figaro et sur le site de La Tribune de l’Art, aurait dû arrêter cette folie, tant la qualité de ceux qui l’ont paraphé que la force des mots qui y sont employés sont exceptionnelles : « Ce que l’incendie a épargné, le diocèse veut le détruire. » Comment croire que des personnalités aussi éminentes que MM. Didier Rykner, Pierre Nora ou Alain Finkielkraut, pour ne citer qu’eux, usent de paroles aussi terribles sans les avoir, au préalable, soupesées ?

Avant cela, Jean-Marie Rouart, avait lui aussi fustigé, avec une véhémence peu habituelle au Quai Conti, des « turlutaines artistiques susceptibles de dénaturer (Notre-Dame), de gâcher nos souvenirs, d’abîmer à jamais l’esprit et l’âme qui flottaient dans ce lieu sacré ».

Notre-Dame, ultime chantier du vandalisme post-Vatican II ?

Qui mieux que le Père Gilles Drouin, chargé de l’aménagement liturgique et culturel de la cathédrale, peut nous expliquer d’où viennent les mauvais vents qui menacent de balayer Notre-Dame ? « Si Vatican II a rompu avec la messe en latin et retourné les autels pour aller vers les ouailles au lieu de leur tourner le dos, cinquante ans après, une partie du travail reste à faire », prétend-il.

Hélas, ce n’est qu’une demi-surprise… « Le clergé français a dans les années 1960 interprété le concile Vatican II en mettant en œuvre un vandalisme inédit depuis la révolution française au nom d’un modernisme douteux. C’est ainsi qu’il s’est débarrassé de chaires, de maitres-autels de tables de communions innombrables. C’est tout un patrimoine qui a disparu, et ça continue », dénonce Didier Rykner, président de la Tribune de l’Art sur Figaro, le 20 novembre 2021.

Ceux qui ont eu connaissance du projet porté par le diocèse font état d’un temple qui pourrait prendre l’aspect hideux d’un aéroport, voire d’un parc de stationnement. Un prestigieux quotidien britannique dénonce une cathédrale qui serait travestie en un « Disneyland politiquement correct ».

On murmure, sans que nul démenti ne soit apporté, que l’édifice sera livré à des artistes connus pour leur athéisme militant, tel qu’Ernest Pignon-Ernest, et pour leurs créations érotiques et ésotériques. Reviennent avec insistance les noms de la militante féministe Louise Bourgeois, à qui l’on doit un monument en l’honneur des sorcières, et celui d’Anselm Kieffer, qui a commis une exposition en hommage à la Kabale. Notre-Dame de Paris, ultime chantier du vandalisme post-Vatican II et pandémonium de la modernité…

« J’étais moi-même debout, près du second pilier… »

Ebloui, de son propre aveu, par les temples païens du Tibet où l’on adore des idoles, le Père Drouin souhaite rendre Notre-Dame compréhensible aux foules de touristes asiatiques qui s’y pressent. Ne comprend-il donc pas, lui, que c’est précisément le mystère qui attire et saisit chaque année douze millions d’hommes ? Notre-Dame est pour tous ceux qui la visitent, d’où qu’ils viennent, une épiphanie.

Les manifestations du sacré voulues par les contemporains de Suger et de saint Louis parlent non seulement à l’intelligence, mais aux âmes. « J'étais moi-même debout dans la foule, près du second pilier à l'entrée du chœur à droite du côté de la sacristie. Et c'est alors que se produisit l'événement qui a dominé toute ma vie. En un instant mon cœur fut touché et je crus. » Combien d’âmes, éloignées de Dieu, ont vécu sous les voûtes sacrées de Notre-Dame, la rencontre qui bouleversa, en ces lieux, Paul Claudel ?

SIGNEZ LA LETTRE !

Un navire qui conduit au Ciel

Notre-Dame de Paris fut édifiée en un temps où la « philosophie de l’Evangile gouvernait les Etats », donnant « des fruits supérieurs à toute attente, dont la mémoire subsiste et subsistera, consignée qu’elle est dans d’innombrables documents que nul artifice des adversaires ne pourra détruire ni obscurcir » (Léon XIII, encyclique Immortale Dei).

Qui peut nier que Notre-Dame est l’un des « documents » les plus éloquents de ce temps béni ? La reine des cathédrales est un écrin de beauté, destiné à recevoir ce qu’il y a de plus sacré au monde : le saint sacrifice de la messe. Sa silhouette permet de saisir immédiatement qu’elle est un navire qui conduit les âmes au Ciel. Chacun de ses vitraux, chacune de ses statues et de ses pierres sont consacrés à la gloire de Dieu.

Une offense faite à Dieu

Bref, la modernisation interne de Notre-Dame a une portée transcendante : il s'agit d'une autre vision de la religion, ou plus exactement, d'une nouvelle religion de l’homme. Souiller Notre-Dame en la livrant à la modernité impie n’est pas seulement une insulte à ceux qui l’ont édifiée et préservée, c’est aussi, et d’abord, une négation du Dieu transcendant auquel elle appartient. Et cela au moment-même où une autre religion qui veut transformer nos églises désacralisées en mosquées fait des pas de géant, conduisant les catholiques à se sentir déjà une minorité négligeable dans le pays.

Comment ne pas frémir en songeant que le diocèse de Paris écrirait un chapitre de cette tribulation en œuvrant à la désacralisation de sa propre cathédrale ? Il n’est pas trop tard. Pour l’amour de Dieu et de la France, renoncez, Monseigneur, renoncez à souiller la pureté que Notre-Dame tient de Celle dont elle porte le nom.

Sûre que vous allez recevoir avec bienveillance cette supplique pressante des sympathisants d’Avenir de la Culture, je vous demande votre bénédiction et vous prie de recevoir, Monseigneur, l’expression de mes salutations les plus respectueuses.

Catherine Rochet-Goyard

Secrétaire