Un immense retour à la tradition au sein de l’Église catholique américaine

Photo : Capture d’écran reportage APNews – A growing minority of religious conservatives reshape the US Catholic Church

Un immense retour à la tradition au sein de l’Église catholique américaine

Le premier mai 2024, la très renommée agence de presse américaine The Associated Press (AP) a publié un long reportage sur le retour à la tradition catholique qui se met en place dans plusieurs paroisses et universités.

Un vent de fraîcheur et d’espérance nous vient d’outre-Atlantique ! Nous partageons ici quelques extraits du l’article dont l’auteur est le journaliste de l’AP, Tim Sullivan.

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Celui-ci commence par un constat : « Aux États-Unis, l’Église catholique est en train de vivre un immense changement. Les générations de catholiques qui ont adhéré à la vague de modernisation déclenchée dans les années 1960 par Vatican II cèdent de plus en plus la place à des conservateurs religieux qui estiment que l’Église a été déformée par le changement, la promesse du salut éternel ayant été remplacée par des messes à la guitare, des distributions de nourriture dans les paroisses et une indifférence décontractée à l’égard de la doctrine de l’Église.

« Ce changement, dû à la baisse de la fréquentation des églises, à des prêtres de plus en plus traditionnels et à un nombre croissant de jeunes catholiques à la recherche de plus d’orthodoxie, a remodelé les paroisses à travers le pays, les laissant parfois en désaccord avec le pape François et une grande partie du monde catholique.

« Les changements ne se produisent pas partout. Il y a encore beaucoup de paroisses libérales, beaucoup de paroisses qui se considèrent comme étant au milieu du chemin. Malgré leur influence croissante, les catholiques conservateurs restent une minorité.

Pourtant, il est impossible de ne pas voir les changements qu’ils ont apportés. »

RÉVOLUTION ET  CONTRE-RÉVOLUTION

Comment reconnaître ces fidèles pétris par la tradition catholique ? « Ils se distinguent souvent dans les bancs, avec les hommes en cravate et les femmes parfois avec les couvre-chefs en dentelle qui ont pratiquement disparu des églises américaines il y a plus de 50 ans. Souvent, au moins deux familles arrivent avec quatre, cinq ou même plus d’enfants, signalant leur adhésion à l’interdiction de la contraception par l’Église, que la plupart des catholiques américains ont longtemps ignorée avec désinvolture. »

« Ils se confessent régulièrement et adhèrent strictement aux enseignements de l’Église. Nombre d’entre eux aspirent à des messes qui font écho aux traditions médiévales – plus de latin, plus d’encens, plus de chants grégoriens. »

D’où provient cette vague traditionaliste, s’interroge le journaliste.

Il faut remonter aux JMJ de 1993 à Denver, où la visite du Pape Jean-Paul II a marqué l’esprit de milliers de jeunes fervents.

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« Le pape, dont l’apparence de grand-père dissimulait un charisme électrique et qui était aimé à la fois pour sa gentillesse et sa sévérité, s’est confronté à une Église américaine façonnée par trois décennies de changements progressifs. »

Car, continue-t-il, « Si l’Église est souvent mieux connue des non-catholiques pour son opposition à l’avortement, elle était devenue de plus en plus libérale depuis Vatican II. Le contrôle des naissances était discrètement accepté dans de nombreuses paroisses, et la confession à peine mentionnée. L’enseignement social catholique sur la pauvreté était omniprésent dans les églises. La plupart des prêtres ont troqué leur soutane contre une simple chemise noire à col romain. L’encens et le latin se font de plus en plus rares. »

Or, « Jean-Paul II était également intransigeant sur les dogmes, mettant en garde contre le changement et sévissant contre les théologiens libéraux. Il préconise un retour à des rituels oubliés. Les catholiques “sont en danger de perdre leur foi”, a-t-il déclaré aux foules lors de la dernière messe à Denver, décriant l’avortement, la toxicomanie (…) Dans tout le pays, de jeunes catholiques fervents ont écouté. »

Le journaliste de l’AP prend ensuite l’exemple de la prêtrise.

« Les jeunes prêtres motivés par la politique libérale et la théologie progressiste, si fréquents dans les années 1960 et 1970, ont “pratiquement disparu , selon un rapport 2023 du Projet catholique de l’Université catholique (…).

RÉVOLUTION ET  CONTRE-RÉVOLUTION

« Les jeunes prêtres d’aujourd’hui sont beaucoup plus enclins à penser que l’Église a trop changé après Vatican II, s’empêtrant dans l’évolution rapide des opinions des Américains sur tous les sujets, du rôle des femmes aux personnes LGBTQ.

« Parfois, l’évolution vers l’orthodoxie se fait lentement. Peut-être y a-t-il un peu plus de latin dans la messe, ou un rappel occasionnel de se confesser. Les guitares sont peut-être reléguées aux offices du samedi soir, voire complètement abandonnées. (…)

« Cette nouvelle vision de l’Amérique catholique se retrouve dans les messes latines de Milwaukee, dont les bancs sont bondés de fidèles, même à midi, un jour de semaine. On la retrouve dans les conférences organisées dans la région viticole de Californie, dans les paroisses revigorées du Tennessee et dans les groupes de prière de Washington.

« Et c’est le cas dans un petit collège du Kansas, construit sur une falaise au-dessus de la rivière Missouri. À première vue, rien ne semble inhabituel au Benedictine College. (…)

Mais regardez plus loin.

« Car à Benedictine, l’enseignement catholique sur la contraception peut se glisser dans les cours sur Platon, et personne ne s’étonne si vous vous portez volontaire pour les prières de 3 heures du matin. La pornographie, les relations sexuelles avant le mariage et les bains de soleil en maillot de bain sont interdits.

Si ces règles semblent être des préceptes d’une époque révolue, cela n’a pas empêché les étudiants d’affluer à Benedictine et dans d’autres universités catholiques conservatrices.

Le nombre d’étudiants, qui s’élève aujourd’hui à environ 2 200, a doublé en 20 ans.

« Dans une Amérique profondément laïque, où une culture en perpétuel mouvement n’apporte que peu de réponses absolues, l’école bénédictine offre le réconfort de la clarté. Il s’agit peut-être d’une fenêtre sur l’avenir de l’Église catholique en Amérique.

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Et le journaliste de conclure : « Partout aux États-Unis, l’Église catholique est en train de vivre un immense changement. Les générations de catholiques qui ont adhéré à la vague de modernisation cèdent de plus en plus la place à des conservateurs religieux qui estiment que l’Église a été déformée par le changement.

« Les prêtres progressistes qui ont dominé l’Église américaine dans les années qui ont suivi Vatican II ont aujourd’hui 70 ou 80 ans. Beaucoup sont à la retraite. Certains sont morts. Les enquêtes montrent que les jeunes prêtres sont beaucoup plus conservateurs. »

Il laisse la parole au révérend Père Scott Emerson, curé de la paroisse de Madison (Wisconsin) : “Combien se sont moqués de l’Eglise en annonçant qu’elle était dépassée, que ses jours étaient comptés et qu’ils allaient l’enterrer” », a-t-il déclaré lors d’une messe célébrée en 2021. “L’Église, a-t-il ajouté, a enterré chacun de ses fossoyeurs.

Tout est dit.

Sources : https://apnews.com/article/catholic-church-shift-orthodoxy-tradition-7638fa2013a593f8cb07483ffc8ed487

https://apnews.com/6f4df786fc2c4fa5bb5dc78c89d7a360

RÉVOLUTION ET  CONTRE-RÉVOLUTION