La liberté religieuse en danger : les lieux de culte catholiques resteront fermés

La liberté religieuse en danger : les lieux de culte catholiques resteront fermés

La messe publique reste interdite alors que la France s'apprête à rouvrir des écoles, des magasins et des transports. Les évêques de toute la France expriment leur désarroi face à l'insistance du gouvernement pour que les messes restent interdites. Les catholiques sont outrés.


L’Assemblée nationale française a approuvé mardi après-midi le plan de déconfinement échelonné à partir du 11 mai présenté par le Premier ministre Edouard Philippe, malgré des incertitudes majeures, notamment la possibilité que la fin du confinement n’ait pas lieu si le nombre de nouveaux cas de COVID-19 ne s’est pas réduit de manière significative d’ici là.

Le rétablissement des libertés civiles se fera probablement à un rythme différent selon les régions concernées, a prévenu Edouard Philippe. Plus important encore pour les catholiques de France, les lieux de culte, y compris les églises catholiques, ne pourront pas organiser de cérémonies religieuses publiques avant le 2 juin au plus tôt, a déclaré le Premier ministre. Cet interdit concerne donc toutes les messes publiques jusqu’à la Pentecôte comprise.

Et ce, malgré un nombre croissant de pétitions publiques, de lettres ouvertes et de plaintes de la part de plusieurs évêques français. Elles deviennent de plus en plus vives depuis la fuite de plusieurs documents montrant que les forces de l’ordre françaises ont été invitées à faire preuve d’une certaine indulgence dans les banlieues ethniques, là où l’islam est la religion dominante, à l’égard des habitants qui célèbrent actuellement le Ramadan.

Dans les églises, seuls les enterrements seront autorisés, comme c’est déjà le cas, avec une assistance maximale de vingt personnes.

De nombreux catholiques en France ont été choqués d’apprendre lors du discours du Premier ministre, le 28 avril, que seuls les plus grands centres commerciaux et les principaux musées nationaux resteront fermés au public à partir du 11 mai, une nouvelle évaluation de la situation étant attendue pour le 1er juin. Tous les magasins seront autorisés à fonctionner normalement dès le début du déconfinement ; les petits musées, les centres culturels et les médiathèques ouvriront également leurs portes. Les restaurants et les bars devront, eux, attendre le 1er juin au plus tôt.

Après avoir été privés des messes et des sacrements pendant la quasi totalité du carême, et Pâques, les catholiques resteront interdits de culte public et de sainte messe pour les grandes fêtes de l’Ascension et de la Pentecôte.

Mgr Matthieu Rougé, membre du Conseil permanent de la Conférence épiscopale française, a immédiatement exprimé une réaction par vidéo dans laquelle il dénonce « les trois lignes sèches et lapidaires » d’Edouard Philippe sur le culte, les qualifiant d’"inacceptables".

Mgr Rougé a dénoncé sur Twitter « un incompréhensible manque de respect à l’égard de la foi et de l’engagement de terrain des croyants » et de la liberté religieuse. Déclarant comprendre la préoccupation de l’exécutif à l’égard de la situation sanitaire, il n’en constate pas moins l’existence d’une « sorte de tropisme anticlérical en général, et peut-être anti-catholique en particulier, qui a pris le dessus chez le président de la République et peut-être chez le Premier ministre, en tout cas par obéissance à l’égard du chef de l’exécutif ».

« Je crois aussi que les catholiques doivent comprendre que certains de nos dirigeants qui n’ont aucune vie spirituelle, aucune expérience de la foi ; l’idée que notre vie sacramentelle soit vraiment importante est totalement en dehors de leur champ d’expérience. Pour eux, c’est tellement quantité négligeable, le questionnement spirituel, que dans un contexte où la responsabilité politique (…) est si lourde à gérer, eh bien, les questions spirituelles passent à la trappe », a déclaré Mgr Rougé.

Il a ajouté que les catholiques, dans ce contexte, devraient être comme toujours « fermes et paisibles ». Il leur a demandé de ne pas entrer dans un « esprit de révolte ». « Mais en même temps, il faut dire par différentes moyens combien nous sommes choqués de la manière de traiter la question des cultes dans cette crise », a-t-il conclu dans son interview à la chaîne de télévision catholique française KTO.

Le Conseil permanent de la Conférence des évêques catholiques français a également publié un communiqué de presse où il « prend acte avec regret » de la décision de l’exécutif de continuer à interdire les messes publiques et les célébrations dans les églises catholiques. Les évêques qualifient la liberté de culte d’« élément constitutif de la démocratie » et ont demandé une rencontre avec les pouvoirs publiques. Ils ont également souligné mal voir que « la pratique ordinaire de la messe favorise la propagation du virus ». Dans leur déclaration, ils ont invité les catholiques à se rendre dans les églises – qui ont été autorisées à rester ouvertes pendant toute la durée du confinement – afin d’y prier individuellement et ont ajouté qu’ils continuent de recommander aux diocèses et aux paroisses d’offrir les moyens nécessaires » à la « vie de foi » des fidèles.

Mgr Bernard Ginoux de Montauban a été plus direct. Mardi soir, il tweetait : « Culte public interdit = cas de conscience. On ne peut pas priver nos fidèles de la nourriture essentielle qu’est la grâce sacramentelle. Donc nous les nourrirons. »

Il a suggéré que les prêtres puissent aller chez les fidèles et leur dispenser les sacrements : « Puisque nous pouvons y aller. Et dehors, sur les parvis, à condition que les gens ne stationnent pas mais marchent ( ils peuvent aller et venir comme Jésus à la colonnade du Temple). »

Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, s’est également plaint sur Twitter de ce que le gouvernement n’ait même pas pris en compte le plan détaillé des évêques pour mettre fin à l’enfermement des églises dans les meilleures conditions sanitaires possibles.

Peu après le discours d’Edouard Philippe, Mgr Aillet tweetait : « Que les célébrations religieuses restent interdites quand écoles, commerces, transports rouvrent me plonge dans l’incompréhension. N’y a-t-il pas des adaptations possibles ? Sommes-nous réputés incapables de précautions sanitaires ? La liberté de culte est essentielle à la vie sociale. »

Lundi, un groupe de philosophes, de professeurs d’université et de juristes a publié une lettre ouverte dans La Croix, le quotidien officieux de l’épiscopat français, dans laquelle ils rappellent que les croyants en France n’ont pas été privés du droit de se joindre à un culte public depuis la Révolution française. Ils ont également souligné que le Conseil constitutionnel – la plus haute autorité judiciaire en France – et le Conseil d’État protègent tous deux la liberté de culte comme l’une des « assises » des sociétés démocratiques. Les limitations à cette liberté, ont-ils dit, ne peuvent être maintenues qu’« à la condition qu’elles soient absolument indispensables ». Avec le ralentissement actuel des nouvelles infections et des décès, « les restrictions doivent s’estomper », ont-ils fait remarquer.

Les intellectuels ont également fait remarquer que de telles restrictions ne seraient pas du tout acceptables si d’autres lieux et services publics étaient à nouveau autorisés à ouvrir.

Mais ce sera finalement le cas, car le culte catholique sera contraint d’attendre trois semaines de plus que les magasins, les entreprises et les transports publics pour pouvoir avoir lieu publiquement.

« Lorsque la liberté religieuse est limitée, c’est une part essentielle de l’identité et de la dignité de l’Homme qui est mise à mal », ont-ils ajouté. Ils ont cité pour conclure la lettre d’Antoine de Saint-Exupéry – l’auteur du Petit Prince – au général X en 1944 : « Il n’y a qu’un problème, un seul de par le monde. Rendre aux hommes une signification spirituelle, des inquiétudes spirituelles, faire pleuvoir sur eux quelque chose qui ressemble à un chant grégorien. On ne peut vivre de frigidaires, de politique, de bilans et de mots croisés, voyez-vous ! On ne peut plus vivre sans poésie, couleur ni amour. »

Cent trente prêtres de paroisses de toute la France ont publié vendredi dernier sur la plateforme numérique du Figaro une tribune demandant au chef de l’État français de rétablir la liberté de célébrer des messes publiques dans les églises à partir du 11 mai. Ils rappelaient notamment que la célébration de la Semaine Sainte et de Pâques sans culte public avait été « une véritable épreuve », « pleinement acceptée et offerte pour notre pays ».

Ils ont souligné que les catholiques ont joué un rôle important en aidant les nécessiteux et en fabriquant des masques et des vêtements de protection, qui font cruellement défaut depuis le début de la crise ; ils ont également joué un rôle en se portant volontaires pour aider dans les EHPAD. En tant que prêtres, rappellent les signataires, ils étaient eux-mêmes actifs dans l’accompagnement des mourants.

« Mais cet élan de charité prend sa source et se nourrit, pour nous chrétiens, dans la célébration des sacrements. Le 11 mai, cela fera 9 semaines que les catholiques n’auront pu se retrouver pour célébrer ensemble, pour communier et se confesser. Des couples ont dû reporter le baptême de leur enfant, d’autres leur mariage. Les premières communions, professions de foi, confirmations sont elles aussi reportées. Cela ne s’est jamais vu dans l’histoire », ont-ils écrit.

Pour être complet, il faut préciser que de nombreux jeunes couples traditionnels qui ont eu un bébé pendant le confinement ont en fait pris soin de baptiser eux-mêmes leurs nouveau-nés.

Tout comme les évêques et les intellectuels cités plus haut, ces 130 curés et prêtres de paroisse ont demandé, si la vie sociale et économique devait reprendre le 11 mai – ce qui sera clairement le cas – ce qui « pourrait justifier que nos églises restent vides et les messes publiques interdites? » « Cette pratique de notre foi est (…) pour nous, chrétiens, un besoin vital », ont-ils souligné.

Et de conclure :

« Monsieur le Président, dans une crise, chacun doit être à sa place et faire ce qu’il a à faire. Les aidants prennent soin d’eux. Les forces de l’ordre contrôlent et protègent. Les commerçants font du commerce. Les enseignants enseignent. Les étudiants étudient. Les agriculteurs cultivent et nourrissent [...] ... Que les croyants célèbrent, prient et se rassemblent. Le dimanche, notre place est à l’église.

« Nous, les prêtres, ne sommes pas censés rester derrière des écrans, mais donner à tous ceux qui nous le demandent les sacrements qui donnent la vie et l’espoir. Monsieur le Président, le 11 mai, reprenons les célébrations avec les fidèles. Parce que c’est aussi la meilleure façon de servir. »

La liste complète des signataires et leur texte intégral sont disponibles ici en français : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/l-appel-de-cent-trente-pretres-au-president-le-11-mai-laissez-nous-servir-20200424

Leur appel n’a pas été entendu. La France sécularisée manifeste de plus en plus clairement son hostilité à la religion historique de la France : la religion catholique, et de nombreux fidèles français ne comprennent pas que la hiérarchie catholique se soit montrée aussi docile envers les pouvoirs publics, même si cet état de fait semble lentement changer.

Les arguments de santé publique ne sont guère convaincants. La forte courbe descendante des nouvelles infections à coronavirus a conduit le Pr. Didier Raoult, l’un des infectiologues les plus réputés au monde, qui dirige une importante unité hospitalière universitaire à Marseille, à déclarer que si COVID-19 agit comme prévu, 93 % des infections en France auront eu lieu début mai, et 97 % à la mi-mai, certaines infections résiduelles continuant à apparaître jusqu’au début du mois d’août, date à laquelle l’épidémie sera terminée.

Jeanne Smits

Photo : Pixabay.com - CC-Zero

Publié sur Lifesitenews.com le 28 avril 2020 et reproduit avec l'autorisation de l'auteur.