Ecriture inclusive : « Contrainte idéologique et mysticisme illuminé »

Photo - Panneau Écriture inclusive rue Dalayrac Fontenay Bois - CC BY-SA 4.0

Ecriture inclusive : « Contrainte idéologique et mysticisme illuminé »

Dans un entretien au Figaro en ce début de mois de septembre, le professeur de linguistique et spécialiste de sémantique, Jean Szlamowicz, livre son analyse de l’idéologie de l'écriture inclusive, fustigeant notamment le « marketing politique » de son emploi.

« L'écriture inclusive n'existe que par la bonne volonté de certains décideurs convaincus qu'il faut adopter cette mode pour ne pas être ringardisé. Elle n'est pas une pratique spontanée des locuteurs. (...) On la trouve essentiellement dans certains milieux sociaux qui s'imaginent être “progressistes”: c'est avant tout une image de soi que l'on propage avec l'écriture inclusive. Ce narcissisme idéologique consiste à montrer que l'on est une bonne personne et que l'on est au courant des dernières tendances du conformisme idéologique. La pression militante que chacun exerce sur les autres est le moteur de ce panurgisme politique », dénonce-t-il.

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Face à la prétention des tenants de l’écriture inclusive de vouloir rééduquer la société par le biais du langage, le spécialiste répond fermement : « C'est précisément sur ce point que l'écriture inclusive se révèle comme un mysticisme illuminé: peut-on sérieusement croire que le social est contenu dans la grammaire? Il est impensable d'imaginer que, mécaniquement, l'orthographe contribue aux progrès sociaux. Le monde ne dépend pas de la grammaire et les langues ne sont pas des objets dont on pourrait améliorer la conception: la recherche de “la langue parfaite” qui apporterait la rédemption au monde est une utopie relevant du fétichisme et de la sorcellerie ! »

« Réformer le monde en ajoutant des petits “–e” pour symboliser le féminin est une farce. C'est un pur marketing politique, une exhibition vertuiste et une contrainte idéologique », pointe-t-il.

« L'écriture inclusive pose une question de fond: si on l'accepte, alors cela signifie qu'il n'y a plus de référence commune. Chacun peut alors introduire sa préférence comme norme et imposer sa pratique au nom de la cause qu'il défend. C'est introduire une forme de séparatisme dans les usages collectifs, ce que l'institution ne peut accepter sans faire exploser ses propres cadres. Par ailleurs, l'écriture inclusive signale une opinion idéologique, ce qui est discriminatoire —(...). La conventionalité et l'arbitraire de l'orthographe protègent justement des interprétations idéologiques sauvages et de l'interventionnisme militant. »

Or, poursuit Jean Szlamowicz, « Une langue ne possède pas d'intention et n'impose pas de contenus idéologiques. C'est un anthropomorphisme simpliste de penser ainsi. (...) comme si “le masculin” et “le féminin” des mots décrétaient une inégalité entre les individus: il ne s'agit que de l'accord de types de mots, ce qui est sans rapport avec le sexe des gens ! (...).»

« Inventer un complot masculiniste pour expliquer le “masculin” du pronom dans il fait beau, imaginer qu'il existerait un privilège grammatical qui serait une injustice, exiger une représentativité sociopolitique de la morphosyntaxe, ce sont des démarches délirantes. »

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Jean Szlamowicz appelle à ne pas confondre le genre des mots et le sexe des gens :

« (...) L'inclusivisme décrète que l'on devrait aligner les formes grammaticales sur l'identité sexuelle, mais les langues ne fonctionnent pas ainsi. (...) De la même manière que le nombre grammatical n'est pas le nombre mathématique, le “genre” grammatical n'est pas le genre sexuel », explique-t-il.

« On ne peut pas fonder la défense d'une cause sur le mensonge, l'intimidation et la manipulation sans l'abîmer. Inventer un complot masculiniste pour expliquer le “masculin” du pronom dans il fait beau, imaginer qu'il existerait un privilège grammatical qui serait une injustice, exiger une représentativité sociopolitique de la morphosyntaxe, ce sont des démarches délirantes », fustige le professeur.

« De fait, l'égalité entre les personnes se joue ailleurs que dans la grammaire. Or, le militantisme orthographique se moque complètement des situations d'oppression réelles que vivent les femmes qui doivent subir excision, mariage forcé, pression morale du rigorisme religieux ou violences claniques. Cela signifie que cet inclusivisme n'est rien d'autre qu'une hypocrisie et un faire-valoir social pour une classe privilégiée et donneuse de leçons », conclut-il.

Source : https://www.lefigaro.fr/vox/societe/narcissisme-ideologique-et-mysticisme-illumine-les-logiques-a-l-oeuvre-derriere-l-ecriture-inclusive-20230901

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