
Photo : Lidhja Shqiptare për Rikthim në Katolicizëm me seli në Bruksel 8/1/2025 et 28/4/2025.
Un peuple se relève : l’Albanie retrouve la foi catholique
Je vis en Europe occidentale depuis de nombreuses années. Et, comme tant d’entre nous, je me suis souvent interrogé, avec une certaine tristesse, sur le recul manifeste de la foi chrétienne dans nos sociétés. Nos églises se vident, nos traditions s’estompent, et une certaine torpeur semble paralyser les cœurs. C’est au détour de recherches approfondies qu’un fait étonnant m’a été donné de découvrir — un signe, peut-être, que la Sainte Vierge veut porter à l’attention de ceux qui l’aiment et qui servent l’Église de son Fils.
Ce phénomène vient d’un pays trop souvent oublié : l’Albanie. Et plus précisément du Kosovo, cette terre balkanique qui a connu guerres, persécutions, dictature, islamisation… mais qui aujourd’hui, contre toute attente, est peut-être en train de redevenir ce qu’elle n’a jamais cessé d’être en profondeur : une terre chrétienne.
Le 20 octobre 2023, dans la ville de Deçan, au Kosovo, soixante-dix Albanais se sont réunis et ont publiquement renoncé à l’islam en proclamant : « À partir de ce jour, nous ne sommes plus musulmans. »¹ Ce geste, fort, paisible mais ferme, marque le début d’un mouvement de retour massif au catholicisme, souvent discret, parfois clandestin, mais bien réel. Depuis cette date, des milliers d’autres ont suivi.
Certains se sont fait baptiser, d’autres entreprennent un chemin catéchuménal, soutenus par des prêtres catholiques courageux et quelques intellectuels convertis.
Ce phénomène n’a rien d’un effet de mode. Il s’agit d’un retour aux racines, d’un réveil de la mémoire profonde d’un peuple qui, malgré cinq siècles d’occupation ottomane, n’a jamais totalement oublié son identité chrétienne. « Nous n’avons jamais été musulmans dans notre âme », témoigne Ardian Jezerci, ancien musulman devenu catholique, désormais porte-parole d’une association fondée à Bruxelles : la Ligue Albanaise pour le Retour au Catholicisme.²
Son propre père, ancien professeur d’histoire, s’appelait Mohamed. À 70 ans, le 9 mai 2024 – jour de l’Europe –, il a reçu le baptême sous le nom de Belisar, en hommage au général byzantin Belisarius.³ Une conversion tardive, mais lumineuse, qui a redonné sens à toute une vie. Avec d’autres intellectuels albanais, ils témoignent d’un réveil religieux inattendu, porté non par la rupture violente, mais par une reconquête douce de l’âme.
Il faut ici rappeler que les Albanais sont les descendants directs des Illyriens, peuple indo-européen évangélisé dès les premiers siècles. L’apôtre Paul écrit dans l’Épître aux Romains : « Depuis Jérusalem jusqu’en Illyrie, j’ai pleinement annoncé l’Évangile du Christ » (Rm 15,19). Il s’agit là d’un des plus anciens témoignages de la présence chrétienne sur le continent européen.⁴
Cette vocation primitive n’a cessé de porter du fruit. C’est de ces terres que sont sortis plusieurs empereurs chrétiens qui ont marqué l’histoire de l’Église : Constantin le Grand, né à quelques kilomètres du Kosovo actuel, en Mésie ; Justinien Ier, protecteur du christianisme et bâtisseur de Sainte-Sophie ; Théodose Ier, qui fit du christianisme la religion d’État. Tous d’origine illyrienne.⁵
Et l’histoire ne s’arrête pas là. L’Albanie a donné au monde l’un de ses papes : Clément XI, né Giovanni Francesco Albani, d’origine albanaise par son père.⁶ Elle a aussi donné au monde Mère Teresa de Calcutta, née à Skopje dans une famille albanaise, figure religieuse du XXe siècle dont l’engagement auprès des pauvres s’inscrit dans le contexte missionnaire de l’après-guerre.
Mais peut-être la figure la plus emblématique de cette identité chrétienne longtemps combattue demeure Gjergj Kastrioti Skanderbeg, héros national, chef de guerre catholique qui s’opposa à l’invasion ottomane au XVe siècle. Le pape Calixte III le qualifia de « champion du Christ » (Athleta Christi). Skanderbeg est encore aujourd’hui une figure de référence pour les Albanais, tous horizons confondus, preuve que le catholicisme a survécu comme un feu sous la cendre.
Ce feu couvait. Aujourd’hui, il renaît. Selon plusieurs observateurs sur place, le retour au catholicisme ne s’explique pas uniquement par des considérations historiques ou politiques. Il est aussi le fruit d’un profond désir spirituel. Beaucoup d’Albanais, notamment parmi les jeunes, découvrent dans le christianisme un sens de la personne humaine, une espérance, une lumière morale et métaphysique que l’islam n’a jamais su leur apporter.⁷
Ce n’est donc pas un rejet agressif, mais un retour apaisé à une foi transmise en secret, parfois depuis des générations. On parle de « catholiques cachés », dont les grands-parents priaient en cachette, baptisaient leurs enfants clandestinement, célébraient Noël sans lumière, mais avec ferveur.⁸ Aujourd’hui, ces traditions sortent de l’ombre.
Ce réveil est encore minoritaire : les catholiques ne représentent officiellement que 8,38 % de la population en Albanie et à peine 2 % au Kosovo.⁹ Mais leur vitalité est manifeste. Le Vatican lui-même suit ce phénomène de près. Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, a récemment salué la « vitalité » de la communauté catholique du Kosovo et son engagement à faire rayonner l’Évangile dans un climat souvent difficile.¹⁰
Il est frappant de constater que ce phénomène n’est presque pas relayé dans les médias occidentaux. Comme si l’on avait peur qu’un peuple redécouvre ses racines chrétiennes, alors même qu’en Europe occidentale, tant de nations se vident de leur foi. C’est pourquoi je me permets aujourd’hui de porter ce témoignage à votre connaissance.
Il y a là une lumière, une graine d’espérance. Car si un peuple comme les Albanais – blessé par l’histoire, marqué par les idéologies, persécuté par l’athéisme et islamisé par la force – peut renaître à la foi chrétienne, alors il n’est jamais trop tard pour nous non plus.
Peut-être est-ce là une œuvre discrète de la Providence. Peut-être est-ce Notre-Dame du Bon Conseil, miraculeusement apparue à Genazzano au XVe siècle, et dont l’icône aurait mystérieusement quitté l’Albanie pour l’Italie, qui protège encore son peuple. Peut-être est-ce Skanderbeg, l’Athlète du Christ, qui intercède pour ses descendants spirituels. Ou peut-être est-ce simplement l’Esprit-Saint, qui « souffle où Il veut » (Jean 3,8).
Mais quoi qu’il en soit, il se passe quelque chose. Et ce quelque chose mérite notre attention, notre prière, notre admiration.
Alors que la France et l’Europe semblent sombrer dans l’amnésie religieuse, un peuple oublié se souvient de ses racines évangéliques. Il se souvient du Christ, Roi de l’Église et du monde. Et il revient à Lui, non comme à une figure du passé, mais comme au Souverain vivant et véritable, auquel toute nation est appelée à se soumettre — sous le regard bienveillant de Notre-Dame du Bon Conseil, signe que, dans le silence, un renouveau peut déjà commencer.
Notes :
Islam-et-Vérité, « Du retour profond des Albanais au catholicisme », témoignage du 25 juin 2025.
Ibid.
Ibid.
Épître aux Romains, 15,19.
World History Encyclopedia – notices sur Constantin, Justinien, Théodose.
Wikipedia, article sur Clément XI (Giovanni Francesco Albani).
FaithOnView, « Ethnic Albanians turn to Catholicism to reclaim their heritage », juin 2024.
Le Monde, « À la rencontre des catholiques cachés du Kosovo », mars 2023.
Recensement albanais de 2023, données démographiques officielles.
Vatican News, déclaration du cardinal Parolin, février 2024.
Big Tech nous censure.
Aidez-nous !
Votre don permet de maintenir notre site web en activité. C'est seulement ici que nous pouvons diffuser notre message sans être soumis à la censure.