Réseaux sociaux : pourquoi les comptes d'Erdogan ne sont-ils pas supprimés ?

Réseaux sociaux : pourquoi les comptes d'Erdogan ne sont-ils pas supprimés ?

Dans les colonnes du Figaro, le célèbre chroniqueur et spécialiste des questions de l’Islam, Alexandre del Valle, s’interroge sur le bannissement des réseaux sociaux pour le moins arbitraire du président Trump. Pourquoi lui et non pas les nombreux dictateurs communistes, prédicateurs islamistes et autres qui diffusent tranquillement leur propagande violente sur Facebook, Twitter et Instagram, sans aucune censure de la part de ces derniers ?

« Le 8 janvier, rappelle le chroniqueur, les comptes Twitter (88 millions d’abonnés), Facebook (35 millions), et Instagram de Donald Trump ont été fermés au motif de "risque de nouvelles incitations à la violence". »

« C'est ainsi la première fois qu'un chef d'Etat en exercice voit de la sorte sa liberté d’expression supprimée. On pourrait comprendre cette mesure unique si Trump avait déclenché une guerre illégitime, comme Georges Bush père et fils, après avoir émis des fake news autrement plus graves que celles de Trump, en fait le président états-unien le plus pacifiste depuis Carter », fait-il remarquer.

Par contre, « On pourrait comprendre que les GAFAMs suppriment les comptes de Recep Tayyip Erdoğan (17,3 millions abonnés sur Twitter, dix millions sur Facebook), qui a insulté Emmanuel Macron, menacé des pays de l'UE (…), nié le génocide arménien, fait massacrer les Kurdes en Syrie,(…), soutenu les djihadistes (…), réprimé l'opposition turque et la minorité kurde puis s'être fait voter les pleins pouvoir après avoir muselé la presse… Malgré tout cela, il n'a jamais été suspendu des réseaux sociaux », s’indigne M. del Valle.

Et la liste est longue de ceux dont « les GAFAMs n'ont pas non plus jugé utile de supprimer les comptes » : l'ex-Premier ministre malaisien, Mahathir bin Mohamad, qui dispose de 4 millions d'abonnés sur Facebook, et 1,3 millions sur Twitter, et qui a écrit « le 29 octobre dernier, sur Twitter et sur son blog, après la décapitation de Samuel Paty : « les musulmans ont le droit d’être en colère et de tuer des millions de Français »… Il écopera d'un simple "avertissement", et son compte restera actif. »

« On peut également citer d'autres chefs d'Etat qui ont, contrairement à Trump, du sang sur les mains et n'ont pas appuyé des "populistes" comme Trump mais des groupes djihadistes et des révolutionnaires qui ont mis à feu et à sang à plusieurs pays (…), comme l'Emir du Qatar, Tamim Al Thani (925 000 abonnés sur Twitter), jamais censuré sur Twitter ; ou encore « le plus célèbre des prédicateurs Frères musulmans, (…) Youssef Al Qardaoui (3 millions d'abonnés sur Twitter; 642 362 sur Facebook), jamais banni des réseaux sociaux alors qu'il a appelé à tuer apostats, Juifs, homosexuels, blasphémateurs, adultères, et même nationalistes arabes, puis justifié des attentats-suicides…»

« Du côté de la djihadosphère, 46 000 comptes Twitter ont été liés à l'Etat islamique. Ces comptes ont en moyenne 1 000 abonnés, ont été longtemps tolérés, puis supprimés seulement lorsque les Etats ont exercé des pressions après les vagues d'attentats », précise le chroniqueur.

D’ailleurs, conclut M. Del Valle, « Les cyberdjihadistes y recrutent toujours sous des nouveaux comptes, bien moins vite supprimés que ceux des « suprémacistes populistes blancs » pro-Trump... »

Un « deux poids-deux mesures » toujours plus flagrant et insupportable.

Guillaume Gattermann

Source : https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/monde/del-valle-la-censure-geometrie-variable-des-reseaux-sociaux-trump-banni-mais-pas-erdogan-ou-maduro-127631

Photo: Image par Tibor Janosi Mozes de Pixabay