Photo : Black Lives Matter demonstration in Oakland, California - CC BY-SA 2.0 DEED
Mai 68, berceau du wokisme
Le onze octobre dernier, Le Figaro présentait le nouveau livre du journaliste Pierre Valentin : “Comprendre la révolution woke (Gallimard)”. Selon le quotidien, l’auteur “parvient admirablement à renouveler la réflexion et signe un des livres les plus aboutis, fouillés, construits sur le sujet.”
En voici quelques extraits.
« Tel Ulysse cherchant à tromper la vigilance du Cyclope, le wokisme use de la plus vieille ruse du monde en proclamant : “Je suis Personne”. Ainsi, ce courant s’amuse à jouer à une forme de “un, deux, trois soleil” sémantique, s’assumant comme mouvement un tant soit peu unifié lorsqu’il se dépeint lui-même d’une aura positive, mais se dissolvant dans un nuage de fumée dès que les critiques resurgissent. »
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« Dans ses différentes branches intellectuelles, la mouvance woke opère toujours de la même façon, en rejetant la validité d’une norme sociale, morale ou scientifique par la mise en avant de l’exception à celle-ci, dans le prolongement de son relativisme culturel », exlique le journaliste.
Vers la fin de son ouvrage, l’auteur fait le lien entre la révoltution de Mai 68 et le wokisme : « L’analyse des racines profondes de l’idéologie woke confirme (...) ce que la rancœur des débats à gauche laissait déjà présager : nous avons affaire à un conflit familial, riche en déceptions réciproques et en ressentiments latents ; conflit qui oppose des pères qui ne reconnaissent pas leurs fils à des fils qui souhaitent tuer leurs pères, comme ces derniers l’avaient fait avant eux. La question de l’unité qui hante cette famille risque fort de se poser de façon plus pressante encore dans les années à venir. »
« Sociologiquement parlant, les classes sociales woke possèdent la spécificité paradoxale d’être à la fois extraordinairement privilégiées et tragiquement défavorisées. Privilégiées d’un point de vue matériel d’abord, parmi les plus aisées de leur époque, au sein du siècle le plus confortable de tous les temps. Ces jeunes sont habitués à voir des plats préparés de n’importe quel pays arriver à leur porte en un quart d’heure. La musique ainsi que les films du monde entier résident constamment à deux clics de distance. Ils ne connaîtront pas la faim », déplore-t-il.
« Mais, rappelle si justement le journaliste, l’homme ne vit pas que de pain. Les générations précédentes peuvent s’en vouloir de leur avoir laissé un monde aussi déstructuré, et donc déstructurant d’un point de vue psychologique. Tel est le profond handicap de cette jeunesse. »
Il énumère : « L’explosion du nombre de divorces (et ainsi l’effondrement de la famille), la domination du numérique (et ainsi la baisse du niveau de concentration), la chute de l’enseignement de l’histoire et de la géographie (et ainsi l’incapacité à se repérer dans le temps et dans l’espace), le règne des flux en tout genre (et ainsi une instabilité permanente) entraînent une crise du sens sans précédent. »
« La question “que faire de ma vie ?” devient pour ces jeunes plus écrasante que jamais, même lorsqu’ils essaient désespérément de la noyer dans plus de confort ou plus de bruit », constate Pierre Valentin.
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« Matériellement gâtés, mais spirituellement sevrés, ils sortent parfois de leur cage dorée pour chercher une cause qui permettrait de donner du sens au chaos qui les entoure. (...) Très vite, un consensus se dégage sur la bonne mentalité à adopter pour ambitionner une forme d’estime de soi tout en se donnant un rôle à jouer dans cet univers impitoyable : “Moi, je pense que je suis bon, car moi, je sais que le monde est mauvais et que je suis contre ce monde.” »
Et de conclure : « Cette posture dissidente possède de nombreux avantages. Elle permet de se déresponsabiliser de ses échecs, en les mettant sur le compte de la société, mais également de se mettre à distance de cette dernière, du “système” – entité floue et maléfique, aux forces aussi difficilement cernables qu’omnipotentes –, tout en se trouvant une raison d’agir dans le monde : agir contre ce monde. (...) À défaut de projet de société, ils font de la “déconstruction” de cette dernière leur projet. »
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