La victoire de Trump : Un retour aux valeurs conservatrices face au wokisme

Photo : Gage Skidmore from Surprise, AZ, United States of America, CC BY-SA 2.0 via Wikimedia Commons

La victoire de Trump : Un retour aux valeurs conservatrices face au wokisme

Voici l’analyse d’Atilio Faoro, auteur du livre La Révolution woke débarque en France, sur la victoire de Donald Trump, offrant un éclairage approfondi sur les raisons de ce triomphe et les dynamiques qui ont mobilisé son électorat, valables aussi en France.

 

Avenir de la Culture - Quelle est la signification profonde de la réélection de Trump pour les catholiques et conservateurs ?

Atilio Faoro - La réélection de Donald Trump ne passe pas inaperçue, et je vous avoue qu'elle est saluée chaleureusement par de nombreux catholiques et conservateurs. Comment expliquer un tel élan en faveur d’un candidat critiquable sous plusieurs aspects, alors que tant de voix nous promettaient une défaite écrasante ? Pourquoi ce retour en force des valeurs conservatrices, comme un souffle de renouveau venu tout droit d'Amérique ? Cette victoire n'est pas un simple événement politique : elle est le reflet d’une mutation sociétale plus profonde, un réveil des peuples contre des forces qui cherchaient à les transformer. 

Bien que des sujets comme l’immigration, l’inflation ou l’insécurité aient pesé dans les élections qui ont porté Trump au pouvoir, la ligne de démarcation entre les électeurs s’est révélée être, avant tout, idéologique et culturelle, notamment face au wokisme. D’un côté, les progressistes choisissent des candidats adhérant aux idées woke ; de l’autre, les conservateurs s’y opposent fermement. Cette division dépasse les questions économiques ou de sécurité immédiate, car les positions sur ces questions culturelles semblent déjà profondément enracinées et peu susceptibles de convaincre les indécis, formant ainsi un clivage qui va bien au-delà des seules préoccupations pratiques.

Dans son livre La Nouvelle Guerre de sécession, Guillaume Debré décrit Trump comme l'antithèse d’Obama, symbolisant une inquiétude identitaire sociale et économique. Son programme électoral vise le multiculturalisme, le politiquement correct, la discrimination positive et le progressisme inclusif du Parti démocrate. En somme, une opposition frontale à l’Amérique « woke ».

Peut-on parler d’un rejet du wokisme, reflet d’un véritable ras-le-bol populaire ?

Ce qui est certain, et j’insiste là-dessus, c’est que cette victoire ne peut pas se résumer simplement à des questions économiques ou politiques classiques. Non, elle marque un mouvement bien plus large : un rejet d'une idéologie qui, sous couvert de justice et de progrès, a souvent divisé et étouffé l’opinion. Hubert Védrine, un homme de gauche, mais fin observateur de la scène internationale décrit parfaitement cela en parlant de « lame de fond, viscérale, populaire au sens très large, de gens qui veulent donner un coup d’arrêt au progressisme ». Il ajoute : « Vous sentez cette force derrière ces mots ? C'est presque comme si une voix collective s'était élevée pour dire : Trop, c’est trop ! »

Pour beaucoup d’Américains, et de plus en plus de personnes en Europe aussi, cette idéologie dite « woke » ne résonne plus. Selon un sondage de The Economist, on observe un net déclin de cette idéologie dans plusieurs domaines de la société américaine, notamment dans les médias et les universités. Jean-Eric Branaa, spécialiste des dynamiques américaines, confirme que le wokisme « divise au lieu d’unir ». Quand on lit cela, on voit à quel point le retour aux valeurs de bon sens, loin de l’oppression idéologique, représente un véritable soulagement pour des millions de familles, attachées à leurs traditions et leur foi.

Les entreprises aussi en prennent conscience, notamment celles ayant tenté de se montrer exemplaires en matière de « diversité » et d’ « inclusion ». Un cas révélateur est celui de Disney, un symbole même de la culture américaine. Après avoir intégré une politique d’inclusivité jugée excessive par beaucoup de ses clients, Disney a dû réajuster sa stratégie, recentrant ses contenus pour répondre à une audience désireuse de voir des histoires « familiales » traditionnelles. Ce revirement est un signe de la fatigue croissante envers le wokisme dans le secteur culturel et commercial américain. Selon des analystes comme James Carafano, de plus en plus d’entreprises abandonnent leurs politiques DEI (Diversité, Équité, Inclusion), se rendant compte que leurs clients se détournent de leurs produits.

D’ailleurs, Yascha Mounk, professeur à l'université Johns Hopkins, va dans ce sens. Il souligne que cette élection reflète une « coalition multiethnique conservatrice » avec des Afro-Américains et des Hispaniques ralliés à Trump. Cela montre bien que ce mouvement n'est pas seulement celui d’une classe, d’une couleur ou d’une confession, mais de tous ceux qui, comme nous, sont fatigués de voir leurs croyances dénigrées. Ainsi, la victoire de Trump est l’expression d’une grande coalition populaire et diverse, fatiguée des excès de l’idéologie progressiste et woke.

La révolution woke est-elle passée d'une révolte raciale – sous la bannière trompeuse du Black Lives Matter – à une entreprise de déconstruction de la société chrétienne ?

Le wokisme, un terme fréquemment évoqué mais souvent mal compris, désigne une idéologie qui, au départ, se limitait à interpréter de façon néo-marxiste les inégalités raciales aux États-Unis, mais qui a évolué vers une véritable révolution culturelle, cherchant à redéfinir les valeurs fondamentales de la société occidentale. Ce mouvement dépasse désormais largement les revendications de justice sociale : il promeut une remise en question profonde des valeurs traditionnelles, et en particulier celles issues de l’héritage chrétien, comme le respect de la dignité humaine, le rôle de la famille, et la vision de l’homme et de la femme dans une perspective complémentaire.

Un exemple frappant de la révolution woke en France a récemment fait les gros titres avec la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris. Cet événement, qui se voulait « inclusif » et symbolique, a en réalité adopté une esthétique et un discours imprégnés d’idéaux woke, allant jusqu’à inclure des éléments blasphématoires et déconstructifs. Cette scène mondiale a illustré jusqu’où cette idéologie peut s’étendre, en modifiant le sens même des symboles et des valeurs nationales, dans une volonté de déconstruire les fondements culturels et religieux qui ont forgé l’Occident.

Assiste-t-on à une réaction des classes populaires et des catholiques ?

Je pense à Christophe Guilluy, qui voit dans cette victoire une réaction d’auto-défense de ce qu’il appelle « la majorité ordinaire ». Beaucoup d’électeurs de Trump se sont sentis laissés-pour-compte et méprisés par les élites, et ce sentiment a été amplifié par des années de politiques multiculturelles en faveur des « minorités visibles » et de son revers, le dédain envers la population de souche. En effet, cette « majorité ordinaire » voit en Trump quelqu’un qui parle leur langage, qui défend leurs préoccupations et qui ne les méprise pas. Je ne mets pas la main sur le feu pour garantir qu’il remplira ces expectatives, mais c’est comme il est perçu par ses électeurs.

Le rôle des catholiques dans cette victoire est d’ailleurs indéniable. Selon le Washington Post, 56 % d'entre eux ont voté pour Trump, ce qui représente une augmentation notable par rapport aux élections précédentes. Je ne peux m’empêcher de penser que ce choix est aussi une réponse au mépris dont nos valeurs chrétiennes ont été l'objet. Trump a tenu à afficher du respect envers ces valeurs, peut-être pour des raisons purement électorales, parce qu’il ne pratique pas. Lors de ses meetings, des chants religieux ont résonné, et il a partagé des images symboliques de Notre-Dame de Guadalupe et du Jugement dernier. Jeanne Smits, une journaliste catholique, a d'ailleurs déclaré : « C’est un bon signe en soi que ce type de message soit électoralement payant ». Je suis d’accord : cela témoigne d'un véritable attachement populaire aux valeurs spirituelles, et c'est une première victoire pour la foi.

Selon vous, faut-il différencier la personne de Trump du mouvement trumpiste ?

Oui, il est essentiel de distinguer la figure de Donald Trump, un homme politique controversé et imprévisible, avec un ego surdimensionné, du mouvement qu’il incarne, souvent appelé le « trumpisme ». Parce que Trump est une personnalité singulière, son style de communication et sa méthode directe ont polarisé davantage l’opinion publique. Mais le trumpisme, lui, représente un courant conservateur bien plus large et profond, ancré dans le rejet de  la classe politique et de la pensée unique, et inspiré par des valeurs de bon sens et de respect pour les traditions. Ce mouvement n’est pas attaché à la seule personne de Trump ; il incarne l’élan d’une grande partie de la société américaine qui cherche à retrouver ses racines et sa voix au milieu de la confusion idéologique ambiante.

Ainsi, même en dehors de la personnalité très discutable de Trump, le trumpisme continue de prospérer et de rassembler, inspirant de nombreux Américains qui se retrouvent dans une vision conservatrice du monde, axée sur la famille, le patriotisme et la foi. Ce mouvement transcende le personnage un brin caricatural et perdurera probablement bien au-delà du second mandat de Donald Trump, influençant une nouvelle génération de conservateurs prêts à se battre pour préserver les fondements de leur nation.

Jeanne Smits estime que ses choix de collaborateurs « est assurément un signe de volonté de rupture par rapport à une politique socialiste, étatiste, autoritariste, wokiste et immigrationniste qui explique à 100 % la défaite des Démocrates. »

Les universités et les médias reviennent-ils aux idées de bon sens ?

L’évolution du wokisme dans les universités américaines illustre la déception ressentie par de nombreux citoyens envers des institutions qui, pendant des décennies, ont promu des idéologies ultra-progressistes. Selon le même rapport de The Economist, les universités font maintenant face à des réactions, même de la part de leurs propres étudiants et professeurs, qui souhaitent un retour à une véritable diversité d'opinions. Les cours autrefois axés sur la « blanchité », le « genre », le colonialisme et l’intersectionnalité des revendications minoritaires perdent du terrain, remplacés par des perspectives plus réalistes. Ce retour au bon sens, initié dans l’éducation et l’opinion publique, est devenu un symbole du besoin de liberté d’expression, longtemps étouffée par la pratique du « cancel » et les excès de l’idéologie woke.

Les médias aussi sont concernés. Selon Jean-Eric Branaa, le wokisme, qui dominait les rédactions et influençait même les grandes décisions éditoriales, subit aujourd’hui une forte contestation. Les organes de presse, face à une chute de leurs audiences, commencent à reconsidérer leurs positions. Ils comprennent que leur survie dépend de leur capacité à refléter fidèlement les opinions et préoccupations de leur public, plutôt que de se cantonner à une vision progressiste étroite et aberrante.

Selon Christophe Guilluy, cette contestation, « silencieuse mais profonde, ne ressemble à aucun mouvement social passé : elle est motivée par des ressorts existentiels autant que matériels, ce qui la rend inarrêtable.  « Elle émerge de manière autonome, indépendante de tout parti, syndicat ou leader, au point que l'on pourrait dire que c’est la classe populaire américaine qui crée Trump, et non l’inverse. »

Pensez-vous qu'il s'agisse d'un appel aux valeurs universelles et d'un signal pour l'Europe ?

Cette victoire a un écho qui résonne bien au-delà des frontières américaines. Nous, catholiques européens, voyons dans ce triomphe un motif d'espoir. L’ancien ministre Hubert Védrine, qui a longuement analysé les enjeux mondiaux, prévient ses amis de gauche : « Les Européens devraient réfléchir à ça ». Il voit dans cette victoire un avertissement pour ses compagnons de route : l’Amérique, qui a longtemps incarné le progressisme, semble dire aujourd’hui « stop » au nom d’une majorité qui refuse l’effacement de ses valeurs traditionnelles.

Jérôme Fourquet ajoute que cette réaction pourrait même influencer l'Europe : « En France, on retrouve les mêmes mécanismes de mépris et de réaction ». « Les tendances de fond sont similaires : un changement démographique profond avec la montée des minorités, un affaissement des vieux bassins industriels du fait de la concurrence internationale et un rééquilibrage majeur dans les rapports hommes-femmes. Ces mouvements tectoniques travaillent nos sociétés en profondeur et continueront de façonner le paysage politique dans les années à venir ».

Quand on observe les mêmes débats, les mêmes divisions et les mêmes appels à une cohésion retrouvée, on comprend que ce mouvement ne se limite pas aux États-Unis. En Europe, nous voyons les prémices de ce mouvement de contestation dans les réactions populaires face aux politiques migratoires, à l’idéologie de genre, ou encore à l’érosion des valeurs chrétiennes. C'est, pour nous aussi, l'occasion de nous rassembler autour des valeurs qui nous unissent et de défendre une société fidèle à ses racines chrétiennes et à son identité.

En conclusion, pourrait-on dire que cette victoire dépasse le cadre de la politique ?

En reprenant les propos de Védrine, on comprend que Trump représente bien plus qu'un simple phénomène ponctuel : « L’élection de Trump n’est pas seulement liée à l’inflation ou à madame Harris. Je le lis comme une révolte. Trump, ce n’est pas une aberration, mais un phénomène fait pour durer ».

Au fond, cette victoire de Trump n’est pas une simple victoire électorale d’un leader populiste. Elle est le reflet d’une renaissance de l’espérance pour tous ceux qui, comme nous, sont attachés à leurs convictions spirituelles et à la force de la famille et de la communauté. Elle est un rappel que l’Occident peut encore revenir aux sources de ce qui a longtemps fait sa grandeur.

Que cette victoire puisse nous inspirer et nous donner le courage de défendre les principes traditionnels de notre civilisation chrétienne et avant tout notre foi.

Car, comme le rappelle Yascha Mounk, « l’Amérique entre dans une ère nouvelle où le progressisme radical pourrait enfin laisser place aux valeurs et croyances de la majorité silencieuse ». Et si cette ère nouvelle commençait ici aussi, pour nous en France et en Europe ? Que Notre-Seigneur nous guide, et que cette victoire nous rappelle à tous que, malgré les tempêtes, la foi et la persévérance triomphent toujours.

Photo : Gage Skidmore from Surprise, AZ, United States of America, CC BY-SA 2.0 via Wikimedia Commons

Sources :

https://reinformation.tv/victoire-trump-bon-sens-smits/

https://www.lefigaro.fr/vox/monde/yascha-mounk-le-trumpisme-n-est-pas-un-accident-de-l-histoire-il-est-temps-que-les-universites-et-les-medias-en-tirent-les-lecons-20241106

https://www.lepoint.fr/monde/le-decryptage-de-la-victoire-de-trump-par-jerome-fourquet-10-11-2024-2574896_24.php

https://crisismagazine.com/opinion/dancing-in-the-streets

https://www.lefigaro.fr/vox/monde/christophe-guilluy-l-election-de-trump-est-une-reaction-a-des-annees-d-invisibilisation-et-d-ostracisation-de-la-majorite-ordinaire-20241107

https://atlantico.fr/article/decryptage/lamerique-est-de-moins-en-moins-woke-quel-impact-pour-la-presidentielle

https://www.lefigaro.fr/vox/monde/yascha-mounk-le-trumpisme-n-est-pas-un-accident-de-l-histoire-il-est-temps-que-les-universites-et-les-medias-en-tirent-les-lecons-20241106

https://www.lefigaro.fr/international/presidentielle-americaine-avec-trump-les-americains-ont-dit-trop-c-est-trop-au-progressisme-analyse-hubert-vedrine-20241108

https://www.lepoint.fr/monde/l-election-de-trump-ou-la-revanche-de-l-amerique-profonde-delaissee-par-obama-et-les-democrates-07-11-2024-2574639_24.php

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