Coronavirus : « À la peur d’une contamination s’est ajoutée la peur de cette peur. »
Le philosophe et membre émérite du conseil scientifique de la Société française d’accompagnement et de soins Palliatif (SFAP), Damien Le Guay, livre ses excellentes réflexions sur la crise sanitaire du coronavirus, dans une tribune au Figaro. Nous vous en partageons ici quelques extraits.
« Le moment était historique. (…) Jamais, de toute l’histoire de l’humanité, nous n’avons connu une telle situation : face à une pandémie mondiale, il a été décidé, pour la moitié de l’humanité, d’enfermer les humains chez eux et d’arrêter net les activités économiques », commence-t-il.
Il fait remarquer, à juste titre, que la « publicité faite au virus, qui a suspendu toute autre actualité, a réduit notre horizon de pensée à cette seule pandémie. (...) À la peur d’une contamination s’est ajoutée la peur de cette peur. Peur au carré. Double effet d’une inquiétude entretenue par tous les médias, tous les gouvernements. Quand on distille la peur, par capillarité médiatique, à jet continu pendant plus de deux mois, les barrières de la raison vacillent. Plus rien ne tient », accuse M. Le Guay.
Pour la gestion de cette pandémie, le philosophe relève quatre choix qui ont été fait à échelle internationale :
- « Premier choix : préférer la vie des corps à toute autre considération. (...) La modernité se focalise sur les corps, fait des corps l’horizon indépassable de toute action politique, pour s’être dépouillée de toutes croyances métaphysiques. (…) La fatalité disparaît en faveur d’un immense principe de précaution de tous et de tout. »
- « Second choix : préférer la sécurité à la liberté. Ce rétrécissement de la politique à la préservation de la santé des corps a pour effet une politique sécuritaire. Non pas une politique de responsabilisation des individus face aux risques encourus, mais une politique de restriction des libertés collectives et individuelles (…) qui s’est faite avec l’instauration d’un contrôle policier. L’Etat (…) s’est considéré responsable des individus, plus qu’eux-mêmes ne l’étaient, au point de les dépouiller de leurs libertés pour les sauver d’eux-mêmes. »
- « Et puis, la réduction de la politique à une politique hygiéniste. Dans nos sociétés européennes, la raison hygiéniste semble s’être imposée, au point de se confondre avec la raison politique - et donc de la réduire. »
- « Quatrième choix : réduire l’accompagnement humain jusqu’à le sacrifier. Cet impératif de «distanciation sociale » rendait tout le monde suspect de porter la mort virale (…) Les recours aux rites, cérémonies religieuses, paroles et gestes symboliques, [pour les cérémonies funéraires] furent réduits à la portion congrue. Pour sauver les corps on a « sécularisé » la mort (…). »
M. Le Guay conclut : « Le moment était historique par une rupture d’attitude mondiale à l’égard d’une pandémie, par l’insistance sur la seule santé des corps, par le refus du fatalisme, par le changement de nos paradigmes de jugement, par la sortie global d’un monde aux composantes métaphysiques pour imposer une nouvelle norme : un bioconservatisme hygiéniste ».
Nathalie Burckhardt
Photo : Gerd Altmann via Pixabay
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